Un jour, j'ai rencontré un ours...

Si, si ! (Meuh non je ne parle de pas de mon mari !)

Celui-là, c’était un vrai de vrai. Bon je vous l’accorde, il a l’air de rien comme ça sur cette vieille photo (dia en fait) et je ne me souviens plus si c’était un ours brun ou noir, mais ce qui est sûr c’est que c’en était bien un, tout velu et bien griffu !

J’avais tellement rêvé de ce moment. Rêvé ?

Euh… A vrai dire, j’en avais plutôt fait des cauchemars pendant des semaines avant d’entamer ce voyage.

Et je m’étais bien préparée.

 

J’avais étudié l’animal de fond en comble, sous toutes ses coutures (dans les livres), j’avais lu tous les avertissements, consulté des témoignages, j’avais assisté avec attention aux briefings des rangers...

Je m’étais renseignée sur toutes les techniques de sauvetage, toutes les attitudes à adopter si l’un d’eux croisait ma route…

Il fallait éviter de laisser traîner la moindre odeur (dentifrice, nourriture, chaussettes…).

Il fallait surtout éviter de le rencontrer. Et si ça arrivait, je savais qu’il ne fallait surtout pas lui tourner le dos ni se mettre à courir (il paraît qu’ils courent plus vite !).

Non, non, il fallait réprimer les réflexes reptilien de survie. Il fallait faire face, courageusement et se dresser devant lui (facile à dire !), faire de grands gestes et crier de tous ses poumons (comme il voit assez mal, il pouvait croire qu'on était plusieurs) et si ça ne fonctionnait pas, on pouvait encore se jeter à terre et faire le mort (dans le meilleur des cas il s’en allait, dans le pire, il venait vers vous, vous retournait de quelques coups de griffes histoire de vérifier que vous ne vous foutiez pas de lui (auquel cas, il entrait dans une rage qui pouvait vous être fatale ! (on peut le comprendre!)).

 

J’étais fascinée et terrifiée à la fois !

Je partais en Alaska pour fêter mes 30 ans et je ne voulais surtout pas mourir !

 

Aaah l’Alaska…

Avec mon cher et tendre, nous partions sur les traces des derniers chercheurs d’or du Klondike et plus particulièrement sur la Chilkoot trail.

Une randonnée de 55 km au milieu de nulle part, loin de toute vie humaine (si ce n’était les quelques rares randonneurs détenteurs d’un permis pour entrer dans cette immense réserve naturelle), en totale autonomie, sans le moindre moyen de communication, dans une nature exceptionnelle, prisée des ours, avec comme point d’orgue le passage du Chilkoot (ce fameux col immortalisé dans le film La ruée vers l’or de Charlie Chaplin).

 

On nous avait conseillé de marcher en faisant du bruit et notre bâton de marche était d’ailleurs équipé d’une petite sonnette. Le premier jour, quand nous avons croisé les premières traces de pas dans la boue, nous nous sommes mis à chanter à tue-tête ! Nous n’avions effrayé que le silence. L’ours qui était passé par là avait décampé depuis belle lurette (avant ou après m’avoir entendue chanter ???). Nous avons très vite abandonné la sonnette, et la chansonnette par la même occasion. Nous avions autre chose à vivre ! La nature nous subjuguait, les espaces et les paysages grandioses nous engloutissaient, nous n’avions plus envie d’avoir peur, plus envie de penser à quoi que ce soit d’autres qu’à ce qui nous entourait. C’était magique, féérique…

 

La journée, nous étions seuls au monde. Cette solitude était rompue chaque soir, quand nous retrouvions d’autres randonneurs sur les endroits de bivouac obligatoires qui jalonnaient le parcours et qui étaient équipés de « pôle » pour suspendre tout ce qui sentait pendant la nuit !

 

Le soir du cinquième jour, nous étions quelques-uns à nous reposer après cette dernière journée que nous aurions voulu interminable. Assise à l’entrée de la tente, j’écrivais, pendant que Fred ronflait. Plongée dans le récapitulatif de la journée, je ne l’avais pas entendu venir. Il était à quelques mètres de nous et sans les cris de mes voisins, je ne l’aurais probablement pas remarqué. L’ours avait traversé le campement, nonchalamment, sans agressivité pour s’arrêter à quelques mètres dans un buisson. Nous observant discrètement du coin de l’œil, il se goinfrait de baies. Un moment suspendu dans le temps.

Un instant magique qu’il aurait cependant été dangereux de prolonger.

 

Ensemble, nous nous mîmes donc à frapper dans les mains en criant.

 

Il avait fui. J’aurai voulu que ça dure éternellement. Je ne l’ai jamais oublié !

 

 

 

Écrire commentaire

Commentaires: 2
  • #1

    Mangon michel (mardi, 14 mai 2024 06:42)

    Superbe histoire qui m'a tenu en haleine. Belle et incroyable rencontré.

  • #2

    Dominique Dupont (mardi, 14 mai 2024 08:56)

    Magnifique, j'en ai eu des frissons !